SITE OFFICIEL DE LA VILLE DE SAINT-MARTIN-LEZ-TATINGHEM
La Tour-Blanche
La seigneurie vicomtière de la Tour-Blanche, anciennement Burques, sise dans les limites de la banlieue de Saint-Omer, à Saint-Martin-au-Laërt, appartenait au XVIIIème siècle à l’évêque du lieu. Un château y existait au XVIème siècle. Il figure sur la carte de la banlieue de Saint-Omer dressée en 1566, sous la forme d’une grosse tour crénelée. En 1593, Charles de Gavres, baron d’Inchy, le vendit à Louis de Bersacques, doyen du chapitre cathédral, avec la ferme comprenant 78 mesures de terres labourables et 22 mesures de manoir.
Il disparut sans doute au cours du XVIIème siècle car dans un acte du 1er août 1708, les filles de Jacques Le Conte se reconnaissent propriétaires de la « cense et place du Burcq« , laquelle ne consiste plus qu’en un « manoir amassé de maison, chambre, grange, estables et autres édifices, pâtures, prés et terres labourables loué par bail à Barnabé Decarne, laboureur« . Les Titelouze entrèrent en possession de cette ferme par le mariage à Saint-Omer, le 27 Décembre 1712, de Jean-François Titelouze avec Barbe-Thérèse, fille de Jacques Le Conte.
Les Titelouze sont connus à Saint-Omer depuis 1497. Au XVIème siècle, l’un des membres de la lignée, Jean, s’était illustré dans le domaine musical, comme compositeur et organiste. Progressivement la famille avait accédé à des charges importantes et accumulé des biens. Jean-François Titelouze, qui décéda à Saint-Omer le 12 février 1745, était avocat au Conseil d’ Artois, conseiller du roi, échevin de Saint-Omer, subdélégué et maître particulier des eaux et forêts ; il possédait le fief de Balinghem à Nortkerque, la seigneurie de Gournay à Verchocq et celle de Galasse à Nortbécourt. Son petit-fils, Omer-François-Joseph (1745-1814), ajouta en 1782 la seigneurie de Salperwick. C’est à ce dernier ou à sa mère, Isabelle Enlart, qu’il convient d’attribuer la construction du château de la Tour-Blanche. On peut en effet situer celle-ci entre 1761, date de la rédaction des vingtièmes de Saint-Martin-au-Laërt, qui ne mentionnent que la présence de la ferme et 1777, année de la publication par L. Denis du guide, le conducteur français, route d’Arras à Saint-Omer et Calais, qui signale de manière explicite l’existence du château. Sa construction précède de peu celle de l’autre château qu’Omer-François-Joseph entreprit d’édifier à Clarques à partir de 1775. Le château de la Tour-Blanche demeura dans la famille Titelouse jusqu’à la Révolution. Le 19 ventôse an II, il fut vendu comme bien national à François-Joseph Becquart, greffier, pour le compte de Dominique Duplouy, manufacturier à Saint-Omer. Au XIXème siècle, il passa entre les mains de plusieurs propriétaires. Le 1er mai 1820, l’abbé Louis-François Joyez (1771-1845) l’acheta pour la somme de 20 036 francs au notaire audomarois, Antoine-François-Joseph Vanvincq, qui l’avait acquis en deux fois, une première moitié en l’an XIII, l’autre en 1806. Joyez n’y résida que neuf ans. Principal du collège de Saint-Omer depuis 1818, premier supérieur du petit séminaire, il dut quitter la ville à la suite de démêlés avec la municipalité. Le château fut vendu à Alexandre-Maximilien du Tertre, le 4 décembre 1829. Colonel au 32e régiment d’infanterie, puis maréchal de camp, Du Tertre fut député de l’arrondissement de Saint-Omer de 1824 à 1830 et maire de Saint-Martin-au-Laërt.
Jusqu’à son décès en 1851, il se retira au château, s’adonnant à l’horticulture et à la peinture. Auteur de scènes de genre et de paysages, il exposa à Arras en 1816 et à Saint-Omer en 1843. Ses collections de plantes lui valurent de nombreuses récompenses dans les expositions locales. Vers 1867, le comte Gaston de la Bourdonnaye-Blossac, qui avait épousé la fille du général Du Tertre, Blanche-Marie-Charlotte, hérita du château. Quelques dix années plus tard, celui-ci passa à Charles-Louis-Joseph-César Taffin de Givenchy (1824-1899), qui en fit sa résidence d’étè. A sa mort, en 1899, le château fut vendu à Benoit Cotillon-Belin, propriétaire de la ferme voisine, qui était devenue le siège d’une importante fabrique de sucre. Il demeura dans la famille jusqu’à sa destruction en 1960.
Le château n’a subi aucune modification sérieuse au cours du XIXème siècle, tout au moins en ce qui concerne le plan et l’aspect extérieur. La première description que l’on ait de l’édifice est celle fournie le 1er frimaire an II par les experts chargés de son estimation : « Le rédechausé étant construit d’un simple cor et à martau, divisée en sallon, salle à manger, salle, cuisine, office, cabinet, lavoir, remise, écurie, buchet; le haut divisé en plusieurs chambre et cabinet à coucher et un atique au troisème avec plusieurs plasse« . Le plan en équerre, défini dans la citation par le terme « martau », correspond à celui figurant sur le plan cadastral de 1818 et sur ceux dressés en 1829 et en 1846. Par ailleurs l’élévation à trois niveaux décrite dans l’inventaire correspond à celle que nous offre une carte postale sans doute antérieure à 1914. La seule transformation réside dans l’ajout des communs qui prolongent à droite le corps de bâtiment principal ; absents sur le plan de 1829, ils figurent sur celui de 1846.
Le château de la Tour-Blanche n’offre aucune similitude avec celui construit peu après à Clarques par les Titelouze. Dans le second cas, il s’agit d’une résidence de prestige, conçue pour témoigner du rang social et de la richesse de ses occupants. Ici nous avons affaire à une maison de plaisance destinée à être un lieu de repos et de distraction où la famille, qui résidait à Saint-Omer, pouvait se rendre facilement. Par des dispositions rectilignes, l’utilisation de la brique comme matériau prédominant et le choix d’une élévation à trois étages, celle-ci diffère des châteaux construits au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Les façades n’offrent qu’une succession monotone d’ouvertures, interrompues seulement par la travée centrale que soulignent des pilastres à refends et des baies en plein cintre. Cette simplicité dans la conception générale du bâtiment est quelque compensée par le décor sculpté aux clefs des ouvertures, dans les écoinçons des baies de la travée centrale et sur les pots à feu de la balustrade. Les dimensions de l’édifice étaient relativement importantes ; un rapide calcul fournit pour le corps principal une longueur de 24 m et une profondeur de 9 m, et pour le corps en retour, une longueur de 20 m. On peut se faire une idée de la distribution en suivant la visite effectuée le 5 juin 1792 par le commissaire chargé de dresser l’inventaire du mobilier. Le rez-de-chaussée comprenait un salon, une salle-à-manger, un cabinet, un vestibule, une cuisine, un office, un lavoir et une chapelle. A l’étage se trouvaient quatre chambres et six cabinets. A l’attique, l’inventaire signale cinq pièces, qui étaient probablement réservées aux domestiques. Le château avait été doté dès l’origine d’un vaste jardin disposé face au corps de bâtiment principal. Son agencement devait être soigné car l’inventaire de l’an II y dénombre huit statues en pierre blanche et trente vases reposant sur des socles. L’entrée au château se faisait par une longue avenue plantée d’arbres, disposée dans l’axe du corps de bâtiment latéral.
Patrick WINTREBERT, conservateur des antiquités et d’objets d’art.